Il y a quelques semaines j’ai eu la désagréable surprise de recevoir une convocation de la police, suite à une plainte déposée Frédérique Calandra, maire du 20ème arrondissement de Paris faisant suite à la publication d’un article … sur mon compte Facebook ! Une élue de la République est donc prête à user des moyens du contribuable pour faire taire une journaliste. France de 2016, je te reconnais bien là.
Petit rappel : il y a un an presque jour pour jour Frédérique Calandra avait rendu impossible l’organisation d’un événement dans l’enceinte de la mairie du 20ème – qu’elle semble confondre avec son domicile – pour la seule raison de ma présence. Les arguments avancés quant aux raisons de sa frilosité auraient été comiques s’ils n’étaient pas délirants. Non contente de m’avoir empêchée de m’exprimer, elle a, déclaré dans un interview accordé à Médiapart : « le point de vue de Rokhaya Diallo ne peut pas représenter le féminisme. Elle est faite pour le féminisme comme moi pour être archevêque » m’accusant d’être « au mieux qu’une idiote utile de l’intégrisme musulman, au pire un faux-nez de Tariq Ramadan» avant d’ajouter avec la mesure et l’élégance qui la caractérisent : «Si un jour Mme Diallo veut débattre, pas de problème, je la défoncerai !».
Cette charmante promesse de me « défoncer » est d’autant plus intéressante que j’étais initialement invitée à m’exprimer dans le cadre d’un échange autour de la violence faite aux femmes… On ne pouvait pas attendre moins de délicatesse de la part de Frédérique Calandra dont la vision du féminisme inclut un soutien inconditionnel à Dominique Strauss-Kahn qui n’est pas connu pour être le plus fervent des féministes.
Finalement le débat a bien eu lieu, dans une salle bondée, mais cela n’a aucunement entamé la volonté de Frédérique Calandra de poursuivre la guerre qu’elle a déclaré à celles et ceux qui ont le tort de ne pas être d’accord avec elle.
La maire d’arrondissement ne s’en était pas cachée l’an dernier : «L’objectif de ces semaines de débats autour du 8 mars, c’est que la mairie délivre son message sur le féminisme». Pour elle, la démocratie c’est simple : « sa » mairie détermine les contours d’un discours officiel, et n’autorise pas l’émission d’avis contraire dans l’enceinte de « ses » locaux.
Aujourd’hui le site Les Mots Sont Importants (dont Sylvie Tissot est la responsable) ainsi que des militantes du collectif « 8 mars pour toutes » sont poursuivis pour avoir eu l’outrecuidance de publier un article critique à l’égard de la maire du 20ème arrondissement . Et je suis attaquée en justice pour l’avoir relayé sur Facebook !
Je déplore le fait qu’aujourd’hui dans notre pays des citoyens qui le tort ont d’émettre publiquement des opinions soient harcelés par des élus. C’est une vision insupportable du débat démocratique que nous devons dénoncer. Il est hors de question de laisser nous intimider et priver de parole. Nous ne devons pas céder à ce régime de censure où seules certaines idées ont droit de cité.
La liberté d’expression, ne peut en aucun cas être réduite à l’énonciation de slogans ou de banderoles. Nos élus ne doivent pas le perdre de vue : ils ne sont pas nos chefs mais nos représentants, dépositaires d’un mandat confié par le peuple (vous et moi).
Je vous invite à le leur rappeler en écrivant à Anne Hidalgo la maire de Paris et aux élus du 20ème ou en vous manifestant sur les réseaux sociaux avec le hashtag #legitimedefonce pour demander le retrait de ces plaintes indignes. Et si vous n’êtes pas intimidé-e par les procédés menaçants de la maire du XXème arrondissement, vous pouvez aussi poster l’article incriminé pour rappeler à Sa Majesté Calandra que la liberté d’expression est une liberté fondamentale.