Il y a quelques jours, une affiche de H&M a défrayé la chronique. Pour la première fois, la chaine de vêtements mondialement connue fait apparaitre une jeune femme voilée, le mannequin Maria Hidrissi. Il ne s’agit pas d’une séance de photo pour la présentation d’une nouvelle collection, mais d’une très belle vidéo visant à promouvoir le recyclage. Dans la continuité de sa ligne écoresponsable « Denim Re-Crée », en coton recyclé biologique, la marque a décidé de mettre en avant toute la diversité et la créativité de sa clientèle. Un petit film qui découd joliment les diktats de la mode et nous montre que l’on peut porter une jupe après 40 ans, s’habiller comme un homme et être sexy, sortir du lot en mixant des couleurs improbables, porter un voile et être chic. Des anonymes (et Iggy Pop !) de tout genre, de toute confession nous dévoilant leur engagement pour une mode responsable.
Saluée par de nombreux musulmans et musulmanes heureux de voir enfin une image positive et esthétique associée au voile ou décriée par celles ceux qui refusent de voir apparaître ce signe religieux sur la place publique, la démarche de l’enseigne suédoise ne laisse personne indifférent. Le message est clair : Soyez comme vous êtes, libres de porter ce que vous voulez et solidaires d’une cause qui va au-delà de toutes les polémiques…
Comme d’autres, H&M l’a compris, de nombreuses femmes musulmanes ont aussi des velléités en termes de mode, et il n’est pas question de passer à côté de cette clientèle conséquente. Les géants espagnols Mango et Zara quant à eux, ont lancé récemment des collections destinées aux femmes voilées. Les capsules adaptées aux spécificités de leur clientèle par zone géographique ne sont pas une nouveauté pour ces marques présentes aux quatre coins de la planète et désireuses de garder le monopole de la fast-fashion. Les pièces que l’on trouve en Suède se distinguent par leur sobriété de celles, plus colorées que l’on peut acheter en Italie. Ainsi à l’occasion du Ramadan, en juin 2015, Mango a créé sa première collection de robes « traditionnelles » consacrées à la femme musulmane qu’elle a nommée « L’invitée idéale ».
En juin 2014, Donna Karan, célèbre créatrice New-yorkaise avait également présenté une collection imaginée pour la femme musulmane « The Ramadan Capsule Collection ». Déjà très présente au Moyen-Orient de par son réseau de boutiques, la marque de luxe affirmait ainsi son intérêt pour un marché en plein essor et inspirée peut-être par le nombre grandissant de ces nouvelles consommatrices, modeuses musulmanes ultra stylées.
Aux Etats-Unis ces modeuses musulmanes font parler d’elles depuis quelques années. Un néologisme a même été créé pour les désigner : les mipsterz contraction de muslims+ hipsters. Et c’est une vidéo Youtube qui a consacré leur irruption sur la scène publique fin 2013. Le clip porté par le fameux Somewhere in America de Jay-Z, montre ces jeunes femmes aux antipodes des clichés qui associent habituellement les femmes voilées à la soumission et à l’austérité. Ornées de voiles multicolores, hissées sur de hauts talons, juchées sur leur skate board, dansant courant et sautillant dans la rue, ou se déplaçant en moto, ces jeunes femmes incarnent finalement le visage assez banal d’une jeunesse américaine bien de son temps.
Sur leur page facebook les mipsterz professent une véritable philosophie de vie aux confluents de la religion, de l’art et d’une aspiration politique à l’égalité sociale.
Désormais ces fashionistas qui désirent concilier leur foi, et leur goût de la mode ont leurs icônes. Parmi elles, la jeune journaliste américaine Noor Tagoori, repérée par l’Oprah WInfrey Network et vue en France au Grand Journal alors qu’elle était de passage à l’invitation du Collectif Contre l’Islamophobie.
Au Sénégal, la présentatrice de JT Oumy Ndour est devenue un visage familier pour les téléspectateurs de la chaîne nationale RTS qui la surnomment « la voilée branchée ».
Sur les réseaux sociaux c’est la créatrice de vêtements londonienne Dina Torkia connue sous le pseudo Dina Toki-O qui tient le haut du pavé avec ses près de 650 000 followers Instagram. L’autre star d’Instagram c’est Yaz the Spaz, cubaine et turque vivant en Floride et suivie par près de 140 000 personnes.
Et la France n’est pas en reste. Dès 2008, deux sœurs Khadija et Mariame Tighanimine lancaient « Hijab and the city » un site web lifestyle et proclamaient : « l’habit ne fait pas la musulmane ». Le site n’existe plus, mais la relève se profile avec créativité. Aujourd’hui, Asma Fares, qui totalise des millions de vues sur Youtube grâce à ses tutoriels de maquillage, dispense également de savants conseils sur la manière de nouer élégamment son hijab selon les circonstances.
Malgré leur succès, ces femmes jeunes pour la plupart et décomplexées ne font pas l’unanimité dans leur communauté religieuse. Certains musulmans, leur reprochent un manque de sobriété prétendument contraire aux impératifs coraniques. Mais les mipsterz n’en ont cure : bien décidées à faire fi des grincheux, elles comptent bien s’affirmer avec style.
Les Youtubueuses, blogueuses, et autres modeuses musulmanes/voilées n’ont rien à envier aux Olivia Palermo et autres It-girl de la planète mode. Souvent à la pointe des tendances, elles intègrent avec humour et légèreté le hijab ou les vêtements traditionnels dans des looks Instagramés et ultra girly. A l’instar de Nadira Abdul Quddus, styliste et Youtubeuse à succès, ces filles sont de véritables pros du style. Suivies pour certaines par des milliers de Followers, elles se placent comme les prescriptrices d’une femme musulmane d’un nouveau genre.
Gayanée Pierre, Le Choix du style * en collaboration avec Rokhaya Diallo
* Gayanée PIERRE est styliste pour de nombreuses personnalités françaises. Elle vit est travaille à Paris. Vous pouvez la suivre sur Twitter et Instagram.