Gayanée Pierre, styliste
1) Une styliste, c’est quelqu’un qui crée des vêtements ?
YVES SAINT LAURENT était styliste, mais CARINE ROITFELD (ancienne rédactrice du magazine VOGUE France) est styliste également. C’est un métier qui a plusieurs facettes et qui recouvre des domaines de compétences relativement différents. Dans l’imaginaire collectif lorsque l’on parle de stylisme, on pense à CHRISTIAN DIOR ou à tout autre grand couturier. Nous imaginons souvent le styliste dans son atelier entouré de tissus, de dessins de mode et d’une équipe de « petites mains », aiguilles à la bouche.
Le styliste a parfois la compétence du modéliste. Véritable artiste, dessinateur, illustrateur, couturier. Il donne les indications majeures aux modélistes (couturières) qui réaliseront les modèles nés dans l’esprit du créateur. C’est lui qui construit ses collections et les présente à ses clientes lors des défilés. Il n’est ni habilleur, ni costumier. Mais véritable chef d’orchestre. Il est l’âme du vêtement.
Mais le styliste est aussi celui, qui travaille l’image, « le look ». C’est la personne qui est derrière les pages mode du magazine que vous lisez et qui a minutieusement sélectionné les pièces portées par les mannequins du thème lingerie ou qui vous a présenté le top 10 des robes immanquables de cet été. Le styliste, c’est également celui qui a choisi d’habiller LUPITA NYONG’O en bleu pâle, dans une merveilleuse robe signée PRADA lors de la cérémonie des OSCARS en 2014. Ou la sublime AÏSSA MAÏGA, toute de blanc vêtue en ELIE SAAB lors de sa montée des marches du Festival de Cannes en mai 2014.
Dans les sphères politiques, le travail des stylistes personnelles est aussi remarquable. L’élégance de MICHELLE OBAMA lors ses apparitions officielles est d’une efficacité redoutable. En France, l’allure de FLEUR PELLERIN (Ministre française de la Culture et de la Communication) illustre subtilement ce fameux « Chic parisien ».
Qu’il soit créateur de vêtements ou créateur d’image, vous l’aurez compris, le styliste est un professionnel de la mode, inspiré par l’air du temps et poursuivant un seul objectif : nous rendre encore et toujours plus beaux.
2) Comment définirais-tu ton métier de Personal Stylist ?
Mon métier s’inscrit parfaitement dans cette lignée des stylistes de mode, appelés également Personal Stylist. « Personal », parce que je travaille toujours au plus près de mes clients. Qu’ils soient des célébrités, connues du grand public ou nos voisins de palier, je façonne avec eux l’image qui correspond le plus à ce qu’ils ressentent au fond d’eux-mêmes et à ce qu’ils ont envie de montrer aux autres. Cette harmonie entre intérieur et extérieur est très importante pour moi et représente un des fondements de mon approche du stylisme.
Concrètement j’habille des femmes et hommes dans leur quotidien ou dans les moments importants de leur carrière. Mes clients sont relativement différents. Ils ne viennent pas tous des mêmes milieux professionnels, ni sociaux culturels et ne font pas appel à moi pour les mêmes raisons. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ils ne sont pas accompagnés d’un styliste parce qu’ils sont « mal habillés ».
Je compte un certain nombre de femmes et d’hommes d’affaires, décideurs, journalistes, professeurs, qui exercent des métiers de représentation et pour lesquels l’image est un enjeu non négligeable dans leur carrière. Pour eux, mes services représentent un gain de temps très important.
Il y a également ceux qui vivent des moments charnières, soit parce qu’ils ont envie de changement, soit parce qu’ils y sont contraints et ont besoin pour cela d’être accompagnés d’un professionnel qui leur apporte un regard aiguisé et bienveillant à la fois.
Mes clients sont aussi des passionnés de mode qui cherchent l’exclusivité, LA pièce parisienne, qui les démarquera des autres.
Et je compte évidemment parmi mes clients des célébrités, que j’accompagne dans leur carrière et qui m’embarquent avec elles dans des aventures créatives toujours plus enrichissantes.
Je travaille enfin, avec des magazines et réalise le stylisme des shootings des pages mode en sélectionnant pour vous le top 10 des robes immanquables de cet été.
3) Est-ce que ton métier ne brime pas la personnalité des gens en leur imposant un style?
Comme je vous le disais tout à l’heure, l’importance de l’harmonie me semble cruciale. A ce titre, je n’aime pas tellement le concept très en vogue du relooking. Dans le fond, je suis une véritable épicurienne, une parisienne qui aime prendre le temps des choses autour d’un café. Le temps de se poser et de discuter pour se connaitre vraiment.
Notre apparence est importante, je ne vous dirai pas le contraire, mais elle est le fruit d’un ensemble de choses au-delà de la pièce de vêtement seule. Nous pouvons tous acheter une robe noire ou un costume branché, cela ne fera pas de nous des personnes stylées. Ce qui nous donnera du style, c’est notre capacité à montrer qui nous sommes vraiment. Ou bien à ne montrer de nous que ce que nous voulons dévoiler. Autrement dit, prendre le pouvoir. Maîtriser les codes tout en étant serein à 100%.
Pour cela, mes clients et moi faisons connaissance et échangeons sur beaucoup de sujets autres que la mode : littérature, peinture, voyages, musique, cinéma,… Mon rôle ensuite est de donner des clés. J’ai des clés parce que mon métier fait que je suis sans cesse dans les boutiques, les showrooms, les défilés, les bureaux de tendances.
Il y a tout de même un fil conducteur, un même élément que je communique à tous mes clients. C’est cette idée de la classe. Je ne fais pas de concession au « cheap ».
4) Finalement n’est-ce pas un luxe /superficiel d’avoir recours à un styliste?
Prenons les choses dans l’ordre. Le luxe doit être abordable ! C’est un parti pris. Nous devons tous pouvoir être chics, bien habillés. Si la question est de savoir si s’offrir les services d’un styliste est cher, alors je vous répondrais que c’est un placement extrêmement économe. Je vous éviterai d’acheter quatre pièces de vêtements qui encombreront votre armoire et que vous ne saurez pas avec quoi porter (ça nous est arrivé à tous !). En revanche la veste que nous choisirons ensemble sera une valeur sûre, elle vous ira parfaitement et vous accompagnera longtemps. De plus, les canaux de distribution de la mode aujourd’hui sont tels que nous pouvons nous habiller parfaitement pour tous les prix. Je ne travaille pas uniquement avec des maisons de haute couture. Et c’est parfois chez ZARA que l’on trouve l’accessoire de mode qui dynamise notre dressing.
Enfin si l’on aborde la question de superficialité, soyons francs : la place de l’image aujourd’hui est parfois déterminante. Avons-nous l’esprit mince au point de cataloguer ? Une femme qui s’intéresse à la mode est-elle poupée écervelée ? Un homme élégant est-il un dandy narcissique ?
5) As-tu fait des études pour être styliste ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé la mode. Petite, je passais des heures devant des gravures de vêtements des livres que l’on m’offrait. J’ai également aiguisé mes goûts auprès des peintres tels que MATISSE, DEGAS, RENOIR, LAURENCIN, qui me fascinaient littéralement lorsqu’ils représentaient les vêtements de leurs contemporains.
J’oublie les illustrateurs comme KIRAZ et ses fameuses parisiennes, MUCHA et l’Art Nouveau ou encore TAMARA DE LEMPICKA et ses femmes dramatiques et sensuelles.
Mais dans ma famille, la mode ce n’était pas un métier sérieux Du coup j’ai poursuivi des études classiques (langues, économie) et ce n’est que plus tard que j’ai décidé de me former au stylisme à ESMOD Paris. J’ai alors choisi d’en faire mon métier.
Et finalement mon parcours académique, mes nombreux voyages, l’expérience d’autres métiers sont une richesse dans cette profession. Il n’y a donc pas de voie toute tracée pour être styliste.
6) Du coup en tant que styliste, tu nous conseilles quoi pour cet été ?
Je vous dirais que l’été va être dingue ! Et nous aurons l’occasion au cours de ces semaines de décortiquer les grandes tendances ensemble sur ROKMYWORLD.
Les inspirations sont tellement nombreuses et différentes que l’on ressent un véritable vent de liberté insufflé par nos créateurs bien-aimés. Est-ce une réaction à l’année difficile que nous avons tous vécue ? Il est fréquent de constater que la mode réagi à sa manière à l’actualité et qu’elle prend parfois le contre-pied et joue pleinement son rôle cathartique. Place donc à la couleur, Mesdames… et Messieurs (si, si, vous aussi !). Nous ne parlons pas de couleurs poudrées, tamisées (nous aurons tout le loisir de les retrouver à la rentrée), mais bien de rouge théâtral, de bleu océan, d’un jaune solaire ou d’un orange qui dynamite tout sur son passage !
Les imprimés sont à l’honneur et le Wax se marie à l’urbain, pour nous donner des silhouettes Arty et libérées. Les doux rêveurs, hippies dans l’âme (ils se reconnaîtront), pourront ressortir le Flower Power.